D'abord secouer la serviette pour la débarrasser de son sable, sans en asperger les voisins ni l'être aimé, en train de lire un magazine féminin. S'étendre, la peau encore perlée par l'eau fraîche de la baignade, et fermer les yeux pour mieux sentir la progression animale de la chaleur dans chacun de nos membres. Se laisser gagner par un demi-sommeil propice aux hallucinations, tapissé en arrière-fond par des cris et des prénoms d'enfants.
Arnaud Castera "Heures d'été"
Animalement soulagés mais humainement humiliés, nous retournions affronter l'aveuglante tristesse du sable, chauffé à blanc par la logique balnéaire.
Arnaud Castera "Heures d'été"
Les ballons en plastique d'été ne jouaient pas sérieusement au football. Nous tapions à gauche et ils partaient à droite, avec le vent.
Arnaud Castera "Heures d'été"
Nous adressions des mots creux à des gens qui n'étaient pas là. Puis nous perdions à jamais le bic à trente centimes avec lequel nous les avions écrits.
Arnaud Castera "Heures d'été"
La petite Cynthia attend ses parents au poste de secours mais nous n'en voulions rien savoir, anéantis par l'obligation de ne rien faire, l'âme desséchée par les glaces à l'eau et les digues en béton. Je répète : la petite Cynthia attend ses parents au poste de secours.
Arnaud Castera "Heures d'été"
Epilogue provisoire: se laisser enjamber par des enfants de sept ans qui reviennent, eux aussi, de la baignade. Et sentir sur notre peau redevenue brûlante les quelques gouttes d'eau de mer gelée dont ils nous aspergent consciemment, comme autant de piqûres de rappel d'un avertissement inconnu, venu de l'autre côté de la vie.
Arnaud Castera "Heures d'été"
Nos imaginations, perverties par l'overdose de corps dénudés, ne se retenaient plus de fantasmer sur cette opulente rousse qui écrasait la plage de sa beauté, en l'imaginant couverte et sanglée jusqu'aux gants dans son imperméable d'automne, traversant un jardin public sous la pluie.
Arnaud Castera "Heures d'été"
Au bout de quelques jours, l'écoeurement que provoquait en nous la seule idée de spécialités régionales n'avait d'équivalent que les quantités massives que nous en avions absorbées au début.
Arnaud Castera "Heures d'été"
La plage nous troublait, non parce que les corps y prenaient tant d'importance, mais parce que les visages, tout à coup, n'en avaient quasiment plus aucune.
Arnaud Castera "Heures d'été"
Où l'été trouvait-il ses figurants ? Où les cachait-il, surtout, à la vilaine saison ?
Arnaud Castera "Heures d'été"